Anne Villemin-Sicherman
Fermes de la région messine
L'argent des farines
La ferme de Haute Bevoye à Grigy
" Les chauves-souris faisaient un ballet au-dessus de sa tête tandis que le jour s’amenuisait. Il fallait attendre la nuit pour entrer dans la ferme. Augustin était allongé dans l’herbe non loin de César qui paissait tranquillement attaché derrière une haie qui le dissimulait aux regards. Que pensait-il trouver dans cette petite forteresse ? Il ne savait pas précisément, mais ses occupants étaient suffisamment compromis pour que ne s’y trouvât pas quelque indice, quelque pierre à ajouter à l’édifice de ces conjectures. Dans la ferme on s’activait encore ; il fallait profiter des clartés du jour finissant. Des bruits divers parvenaient jusqu’à lui : une vache qui meuglait dans un parc, des bidons que l’on pose sur le sol, une charrette que l’on rentre, le foin sans doute que l’on décharge, les hennissements des chevaux.
Quand la nuit fut tombée, quelqu’un ferma le haut portail dans un long gémissement de fer rouillé et leva le pont-levis. Le jeune homme examinait la muraille de loin, tentant d’imaginer ce qu’il allait entreprendre pour la franchir.
Il faudrait passer le fossé rempli d’eau dans lequel plongeaient directement les murs ; en face, la façade comportait des contreforts médiévaux et de petites ouvertures étroites, un peu plus larges que des meurtrières... "
Dessin d'A. Migette, Haute Bevoye en 1868.
La ferme château de Grimont à St Julien
" Il était cinq heures de relevée lorsque Augustin franchit le porche de l’imposante ferme château de Grimont. Le bâtiment tenait davantage du château que de la ferme avec son élégant corps central bâti sur trois niveaux, flanqué de deux tours carrées au toit à quatre pans. L’ensemble ne manquait pas d’allure avec ses nombreuses fenêtres entourées de pierre de taille.
Les poules picoraient dans la cour. Un chien à l’attache aboya à son arrivée. Après avoir attaché son cheval, le vétérinaire se dirigea vers le garçon de ferme occupé à balayer devant la bâtisse ; celui-ci sursauta à son approche... "
Dessin d'A. Migette, le château de Grimont en 1833.
Un bûcher pour Versailles :
La ferme de la Horgne à Montigny
Dessin d'A. Migette, ferme de la Horgne en 1867
" Le village de Montigny était recouvert d’une neige à peine entamée par les quelques charrois. A la sortie du bourg, les cavaliers prirent à gauche le chemin qui menait à la Horgne et le vent se fit plus rude. César imprimait ses pas dans une neige encore intacte qui cessa de tomber alors qu’Augustin arrivait en vue de la bâtisse fortifiée, dont la volumineuse tour d’angle à l’est était percée de canonnières : c’était la tour Charles Quint qui se dressait, forme imposante soulignée par l’écrin de blancheur glacée. Le paysan s’en était vanté tant de fois, fier qu’elle eût abrité ce haut personnage, bien qu’il fût un ennemi, lors du siège de Metz en 1552 ! La tourelle carrée au sud, elle aussi fortifiée, avait été transformée en colombier. Rouget ne manquait pas de faire observer avec suffisance que posséder un colombier était un privilège réservé à la noblesse, bien qu’Augustin n’ignorât pas que la ferme appartenait à la famille de Gournay et que le rustre n’y était pour rien."
Guet-apens rue des Juifs
La ferme fortifiée de Préville à Moulins
" Arrivé à Moulins, il vit au loin sur le même chemin deux cavaliers qui allaient à vive allure. Peut-être le suivaient-ils. Il trouva plus sûr d’entrer dans le village, où la présence des habitants serait une protection éventuelle. De plus, son cheval qui commençait à montrer des signes de fatigue, s’essoufflait et ralentissait. Arrivé à un carrefour, il vit une grande bâtisse, et mû par une impulsion, il entra dans la cour. C’était une sorte de ferme château, constituée de nombreux bâtiments de belle apparence, disposés autour d’une vaste cour carrée ".